Au cœur de La Rochelle, une scène inhabituelle se déroule chaque printemps. Les rues, habituellement animées par les pas pressés des piétons, deviennent le théâtre d’une danse étrange où les habitants esquivent avec soin de petits êtres bondissants. Ce ne sont pas des grenouilles, mais les jeunes du crapaud épineux (Bufo spinosus), qui, après avoir émergé des marais environnants, se lancent à la conquête des trottoirs urbains.
Cette espèce, bien que protégée, est souvent méconnue du grand public. Le crapaud épineux se distingue par sa taille plus imposante que celle du crapaud commun et ses glandes parotoïdes plus volumineuses. Originaire du Sud-Ouest de la France, de l’Ibérie et du Nord de l’Afrique, il choisit souvent de se reproduire dans le même point d’eau où il a vu le jour. Nicolas Blampain, expert du service Nature et paysage de la Ville, souligne que “ces amphibiens sont les premiers à annoncer le printemps, avec une ponte pouvant atteindre un millier d’œufs, assurant ainsi leur survie malgré les nombreux dangers qu’ils rencontrent”.
Les rues de Villeneuve-les-Salines, de Pampin et de Mireuil, proches des marais, sont particulièrement touchées par cette invasion annuelle. Les crapauds épineux, après quatre à cinq ans de croissance, retournent à l’eau pour se reproduire, perpétuant le cycle de la vie. Environ 80 % d’entre eux reviennent à leur lieu de naissance, tandis que les 20 % restants partent à l’aventure, explorant de nouveaux territoires.
Mais pourquoi ces amphibiens choisissent-ils de se reproduire dans des eaux où abondent les poissons, prédateurs naturels de leurs œufs et têtards ? La réponse réside dans une substance répulsive qu’ils produisent, les protégeant ainsi des menaces aquatiques. De plus, le crapaud épineux possède une capacité remarquable à détecter les points d’eau à distance, un mystère que les scientifiques cherchent encore à élucider.
Pour les jardiniers, le crapaud épineux est un allié précieux. Se nourrissant de limaces, de punaises, de fourmis et d’araignées, il contribue à l’équilibre écologique des jardins. Sa présence est donc bénéfique, malgré les désagréments temporaires causés par son invasion printanière.
La ville de La Rochelle, consciente de l’importance de cette espèce, prend des mesures pour assurer sa protection tout en minimisant l’impact sur la vie quotidienne des Rochelais. Des campagnes d’information et des actions de préservation des habitats naturels sont mises en place pour maintenir une coexistence harmonieuse entre l’homme et ce petit amphibien.
Le crapaud épineux n’est pas seulement un visiteur saisonnier des rues de La Rochelle ; il est un symbole de la richesse de la biodiversité locale et de l’engagement de la communauté pour sa préservation. Alors que le printemps revient, accueillons ces petits explorateurs avec curiosité et respect, car ils jouent un rôle essentiel dans l’écosystème qui nous entoure.